Le ciel était parfois bien étrange. Lorsque les nuages le couvraient d’une nappe sombre, on y voyait des déchirures éparses. Ces coupures en longueur plus qu’en largeur pâlissaient le ciel de la lumière les traversant. Le contraste dans ce ciel d’orage entre la noirceur et la clarté n’était pas dénué de beauté et attirait même le regard de passants. Difficile de s’en défaire lorsque l’on s’accroche à ce spectacle.
Cormac baissa les yeux de ce phénomène après un moment et balaya la forêt de ses prunelles noires. Pas d’âme qui vive pour l’instant. Enfin, sauf celles qui l’entouraient présentement d’ombres mystérieuses. Ces morts l’accompagnant sans relâche d’un halo ténébreux.
Le vent se leva et ébouriffa la fourrure sans éclat de Cormac. Ses oreilles se dressèrent alors qu’il guettait les bruits puis il se détendit, se mit en marche après un long bâillement.
°Quel ennui!°
Le territoire des Kramdir était sans danger. Sa ronde terminée, il ne lui restait rien de mieux à faire que de trouver de quoi occuper son après-midi. Il n’avait pas faim. Ni soif. Aucun ennemi ne pointait à l’horizon. Pas même un solitaire égaré se risquant sur des terres occupées.
Cormac jeta un dernier regard vers les montagnes de son clan avant de quitter les terres qu’il protégeait. Il lui passa par l’esprit de se rendre en territoire neutre. Au Requiem Center. Trottinant d’un bon pas, ni joyeux ni triste, une indéchiffrable expression de marbre sur le visage, il progressa rapidement sans toutefois se hâter. Ses pattes le conduirent bien vite près du cimetière mais il n’avait aucune envie d’y traîner. Poursuivant sa route, il atteignit le Terrain Endormi.
Lorsque le ciel déjà sombre devint aussi noir que la nuit, il s’arrêta. Cormac était sur ce territoire…effroyable. Parcourant du regard la région, le vent souleva la poussière du sol et laissa apparaître des os éparpillés sur la terre. Les cieux d’un noir d’encre ne dégageaient aucune lumière. C’était un endroit vraiment terrifiant. Tous les loups morts ici, et ces nuages qui grondent au-dessus de vos têtes. Mais Cormac aimait bien cet endroit.
-Morbide et lugubre à souhait…murmura-t-il alors que le paysage lui arrachait un sourire.
Puis, rompant ce silence de mort et ce calme pesant, un bruit lui fit rapidement pivoter la tête vers sa provenance. Un froissement de feuilles. Le craquement d’une branche suivit. Cormac grommela puis dressa les oreilles et écouta. Des pas. Définitivement, on venait vers lui. Il ne bougea plus d’un poil et fixa les buissons d’où il s’attendait bientôt à voir sortir une petite créature. Il renifla. Son flair lui indiqua qu’il s’agissait d’un loup. Ou plutôt, un louveteau. Et à l’odeur, ce n’était pas un rejeton de sa meute.
°Super, une visite à l’improviste et hop! me voilà avec une rencontre surprise. Fini le moment de calme en solitaire…° râla-t-il en son for intérieur.
Ses yeux noirs guettaient le moment où la boule de poils sortirait de l’ombre et croiserait son regard sans vie.